J’ai toujours plus ou moins été l’erreur de ma mère depuis ma naissance. J’ai un caractère de merde, je m’énerve pour un rien dès que je suis un minimum contrarier, je deviens désagréable au possible et parfois même je deviens violent. Souvent, à vrai dire. Lorsque je ne sais pas comment obtenir raison, qu’on n’écoute pas mes directives, je suis un tantinet contrarié. Je n’ai pas grande responsabilité, je me moque éperdument des conséquences qu’auront mes actes. Je vis selon mes propres règles, ça m’attire souvent des ennuis, tout le temps, en fait. Ça ne me fait ni chaud ni froid d’aller en taule, ça donnera juste raison à ma mère.

A l’école, j’étais de ceux qui étaient appréciés par les autres cancres et ceux qui voulaient être populaires, détestés par ceux qui souhaitaient réellement étudier. J’avais mal à l’intérieur et je voulais le hurler à la gueule de tous ceux qui croisaient ma route. C’est souvent moi qui commençait les bagarres, parce que je m’en foutais pas mal de me prendre des coups, ça faisait toujours moins mal que tout le reste, et puis, ils le méritaient sincèrement.

J’adorais déjà faire la fête, boire comme un trou et faire le con jusqu’à l’épuisement, j’avais besoin de faire passer ma frustration d’une manière ou d’une autre. C’est sûrement pour ça que j’ai fini par atterrir dans ce groupe. Ça, et un sacré coup de tête. Je m’en foutais pas mal, que ce soit pour jouer de la musique ou comme caissier, tout m’allait. Je déteste être le chien des autres, mais je n’ai pas peur de mettre les mains dans la merde et de l’huile de coude. Je ne rêve pas de grand-chose, donc c’est difficile d’avoir des regrets. En bref, je suis un chien de la casse et je me torche le cul avec ce qu’on peut penser de moi. Je n’ai pas de temps à perdre avec des gens qui se formalisent pour la moindre vulgarité ou qui couinent parce qu’on leur dit la vérité comme elle vient.

Je suis brut de pomme, si je n’aime pas ta gueule, compte sur moi pour te le faire savoir. Je ne mâche jamais mes mots, c’est contre ma nature. Essayer de faire plaisir simplement pour être sympa, ça n’est pas moi. J’imagine que dire la vérité est ce qu’il peut arriver de mieux à n’importe qui, peu importe à quel point la vérité peut être cruelle.

Il paraît que je ne passe pas inaperçu. Enfin, soyons honnête, je ne suis pas le genre de gars qu’on risque de retrouver dans un magasine populaire. J’ai les cheveux rasés sur les côtés, une sorte de crête sur le dessus. J’ai des yeux couleur whisky qu’on m’envie souvent sans que je ne puisse réellement savoir pourquoi. Je me moque pas mal de mon physique, je n’y fais pas attention.
Le seul truc auquel j’ai longtemps réfléchi avant de le faire, c’est le tatouage de dragon qui entoure mon bras et qui se termine sur mon cou. Je ne compte plus le nombre de personnes qui m’ont demandé si c’était douloureux. La réponse est simple, j’en ai chié tout du long.
Je m’habille comme un métalleux basique, je me les cailles avec les jeans troués et mes t-shirts de groupes, mais ça fait partie de moi et on ne me les retirera pas. J’oublie souvent que je les ai, mais j’ai une belle panoplie de piercings aux oreilles. Je ne vais pas les énumérer parce que je n’ai pas que ça à foutre, le seul qui est vraiment notable, c’est la barre qui traverse le cartilage de mon oreille droite. Tous les autres passent plus ou moins inaperçus face à celui-ci. Un mètre soixante-dix pour soixante-cinq kilos. Je suis un foutu sac d’os malgré tout ce que je bois et mange par jour, être une rockstar dans un rade de merde, ça creuse, vous savez.

Je suis un gars lambda. Quand je suis né, tout le monde se demandait si j’allais faire partie de ce type de population. Si comme beaucoup, j’allais avoir un totem et tout le merdier qui va avec. Quand mon père a compris que ça ne serait pas le cas, il a eu l’impression d’avoir raté quelque chose, alors il a fini prétexter aller acheter des clopes, mais n’est jamais revenu. Bon vent. Jusqu’à mes douze ans, les questions affluaient de part et d’autre, peu de personnes ne naissent pas avec un totem. Je les voyais rouler des mécaniques, ils sentaient spéciaux. Bande de claques merdes.
J’en ai vite eu ras le cul qu’on me traite comme si j’étais une bête de foire, alors j’ai commencé à me battre avec quiconque tentait de me rabaisser. Je me suis fait beaucoup d’ennemis à l’école, mais je m’en fous royalement. Tous les soirs, je rentrais avec des bleus, un œil au bord noir, parfois on m’ouvrait la lèvre. Les adultes tentaient de calmer le jeu comme ils pouvaient, mais chacun avait ses torts. J’ai bien dû me faire virer de deux ou trois écoles.

Ma mère a trouvé un amant en la personne de Logan, il était impressionnant tant par la personne qu’il était, toutes ses histoires et ses tatouages. Je n’ai jamais pu lâcher ce type d’une semelle. Je pouvais l’écouter de tout et n’importe quoi, le simple fait d’être en sa présence, ça me donnait l’impression qu’on pouvait être apaisé peu importe ce qu’on reflétait aux yeux des gens.
A mes seize ans, ça faisait déjà bien plus d’un an qu’ils étaient plus ou moins ensemble. Je l’avais déjà adopté comme un père, qu’on partage le même sang ou non. Mais la vie ne nous réserve pas que des bonnes choses. Maman a découvert ses activités, il vendait de la drogue en tout genre et en prenait. Elle a voulu me protéger, en le virant et en m’interdisant de le voir. Grave erreur. Je n’ai pas supporté l’éloignement et l’interdiction qu’elle en faisait, j’ai toujours voulu faire ce qui me plaisait et vivre comme je l’entendais, plus que comme on me demandait d’être. J’ai quitté la maison dès que j’ai pu. J’ai squatté quelques semaines chez Logan, jusqu’à trouver de quoi me payer un toit sous la tête.
Il a toujours été présent pour moi, s’est toujours occupé de tout, alors que même mon père en était incapable. Quand il m’a annoncé qu’un ami à lui recherchait des membres pour un groupe, il m’en a directement parlé. Je n’en faisais pas un étalage quand j’en avais l’occasion, mais je touchais très bien ma patte avec une guitare électrique et il fallait bien trouver de quoi payer les futures factures, non ?

Ça fait quatre ans maintenant, quatre ans que je suis avec ces têtes de pioches. Ashes Falling se porte très bien, il y a des conflits, certains membres qui ont leurs mauvais jours et qui foutent le bordel, moi le premier ; malgré tout, on arrive à tenir le navire à flot ? On attire de plus en plus de monde dans ce foutu rade et on nous apprécie pour notre musique, c’est le plus important. Je ne pourrais jamais remercier assez Logan de l’opportunité qu’il m’a offert.